Septembre 2006. Tout juste rentré de Chine, j’étais reparti dans la foulée à Bornéo pour préparer un tournage de l’émission de France 5, « Carnets d’Expédition ». Pas question de souffler… L’emploi du temps qui avait été prévu par la production tenait du délire et le plus étonnant, c’est que j’avais réussi à y faire entrer toutes les séquences qui m’avaient été demandées… ! C’est dans ce contexte que j’étais passé une fois de plus par Samarinda, alors que de violents orages s’abattaient sur la région. Au passage, j’avais aperçu  sur les rives de la Mahakam, le chantier colossal d’une mosquée gigantesque très surprenante dans un tel lieu. Lors du voyage retour, je l’avais encore entrevue en pleine nuit et j’avais regretté de ne pas avoir le temps d’en savoir plus...

Fin août 2007. Notre dernière expédition a été un grand succès, (j’y reviendrai), mais cinq jours avant le terme initialement prévu, nous échouons à la morgue de l’hôpital de Samarinda où a été transporté Pasym, le porteur Dayak qui n’a pas survécu aux blessures causées par la chute d’un arbre tombé depuis le sommet d’une falaise, au moment exact où l’équipe passait au-dessous… Triste fin que je ne souhaite à personne ! Après le départ du chef du village de Merabu  et de la famille du défunt qui ramènent le cercueil jusqu’au village natal du malheureux Pasym, nous nous retrouvons bien seuls dans les couloirs de cet hôpital immense. Nous avons pris en charge tous les frais, y compris les obsèques et nous n’avons plus guère le moral à faire du tourisme, d’autant plus que Samarinda n’a rien d’un lieu de villégiature…

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La visite de la grande mosquée s’imposait d’elle-même et nous demandons au chauffeur d’un minibus de nous y emmener. « Dilarang masuk ! », « Défense d’entrer ! »…. Le chantier est interdit au public ce qui est compréhensible. Ignorant la pancarte, nous nous avançons sur l’esplanade au milieu des ouvriers. Très vite, nous entendons des coups de sifflet… Le « satpam », un agent de sécurité local court dans notre direction et avant même qu’il ait dit quelque chose, je m’adresse à lui en Indonésien. Je lui explique que nous trouvons cette mosquée magnifique, qu’il s’agit d’un superbe travail et que nous aimerions pouvoir jeter un coup d’œil sur les travaux… Surpris, il n’ose pas nous virer et il nous accompagne sur le site, paraissant soucieux… Sa radio crépite et bientôt nous voyons arriver un homme bien habillé, coiffé d’un casque de chantier. C’est le superviseur en personne, l’homme qui dirige les travaux et une armée de fourmis qui s’affairent sur le site. Sans lui laisser le temps de poser la moindre question, je me présente encore une fois en Indonésien en sachant que cela étonne toujours… Et çà marche… ! Au lieu de nous faire « virer » manu militari  par le service de sécurité, voilà qu’il se propose de nous faire visiter ce qui n’a rien à envier aux grandes cathédrales de notre vieux continent.

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L’investissement est colossal mais le Chef des travaux reste discret sur l’origine des fonds qui permettent de financer la construction d’un centre islamique qui occupera une surface de 43500m2 au sol… Tour en discutant, j’apprends que cette mosquée sera la plus grande d’Asie et qu’elle n’aura rien à envier à celles du Moyen-Orient. A l’intérieur, le volume est proprement phénoménal, réparti en trois niveaux pouvant accueillir chacun plus de 50000 fidèles. Une cohorte de carreleurs, de plâtriers et d’électriciens  est au travail alors que le gros-œuvre est d’ores et déjà terminé. Depuis une immense terrasse,  nous pouvons mieux cerner l’ampleur du site. Notre guide de luxe nous propose de grimper au sommet du grand minaret par des escaliers interminables qui débouchent au sommet de la tour, 99m au-dessus du sol ! Il est fier de nous faire découvrir le paysage depuis cette bulle de verre qui offre une vue extraordinaire à 360° sur Samarinda et le fleuve Mahakam. Alors que le soleil décline sur l’horizon, le superviseur nous annonce qu’il est temps de redescendre, d’autant plus que les haut-parleurs qui diffusent l’appel du muezzin risquent de se mettre en route d’un moment à l’autre !

 

 « Depuis les attentats du 11 septembre, nous avons peur d’être la cible de terroristes catholiques intégristes… » .

 

Cette petite phrase lâchée par le Chef des travaux au moment de notre départ m’a intrigué et en rentrant en France, j’ai cherché à avoir des informations sur cette mosquée qui « accueillera une école qui garantira la bonne éducation des jeunes Indonésiens de cette région de Bornéo… » . Curieusement, le web est quasiment aphone et certaines pages indexées par Google ont même été retirées …, « suite à des plaintes », mais de qui… ? Sur des sites Indonésiens, il est fait état de milliards de roupies, d’un financement partagé entre le gouvernement Indonésien, des pétroliers, des sponsors privés,  le maître d’œuvre, (je l’avais vu sur place), étant  « TOTAL » qui est très présent en Indonésie et exploite du pétrole et du gaz dans le delta de la Mahakam

 

"Journaliste, tu vérifieras tes sources...! " (Moi j'aimerais bien...)

 

...Et pendant ce temps là, les musulmans de Marseille, troisième ville de France ne parviennent toujours pas à faire construire la modeste mosquée à laquelle ils aspirent depuis si longtemps… !

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