Après l’histoire dramatique que je viens de vous raconter, place à un sujet beaucoup plus léger…

 

En 1982, j’ai fait partie de la première expédition de reconnaissance spéléologique sur la partie indonésienne de l’île de Bornéo. A l’époque, il n’y avait aucune carte digne de ce nom et l’aventure commençait dès la descente de l’avion à l’aéroport de Balikpapan. Il n’y avait quasiment pas de routes goudronnées et les rares pistes étaient très rapidement impraticables. La « civilisation » s’arrêtait à Samarinda où il n’y avait pas encore de pont qui permette de traverser la Mahakam. La suite relevait du système D… Bateaux côtiers, « taxis-boats », pirogues sur les rivières, 4x4 et camions sur les pistes défoncées et surtout… des dizaines de kilomètres « pédibus jambus » ! Il n’y avait aucune carte précise et nous étions partis plusieurs mois en pure spéculation mais convaincus qu’il y avait autant de grottes à découvrir que sur la partie Malaisienne de Bornéo…  

visageblog02.jpgChaque nouvelle expédition a profité des résultats de la précédente et ces dernières années d’un développement économique exponentiel et totalement anarchique qui génère une véritable catastrophe écologique. Malgré leur importance, les premières explorations ont été assez peu médiatisées, jusqu’à « l’invention » des premières grottes ornées qui ont été faites par Luc Henri Fage et Jean Michel Chazine qui marchaient sur mes traces avec la vision archéologique que je n’avais pas. Leur travail a été tout à fait remarquable et ils ont mis en évidence que l’art rupestre était l’une des spécificités de cette région de Bornéo qui été occupée par l’homme il y a déjà plusieurs milliers d’années.

 

Les chasseurs de nids d’hirondelles ont joué un grand rôle dans ces découvertes. Ces coureurs de jungles qui sont de véritables kamikazes connaissaient de nombreuses grottes mais ils avaient peur que ces étrangers qui revenaient de plus en plus souvent soient des espions chargés par le gouvernement indonésien de localiser les lieux de collectes de ces nids blancs qui valent de véritables fortunes. Luc Henri a été le premier à se rendre compte que certains vieux avaient déjà vu des mains en négatif et des dessins dans certaines grottes et qu’il semblait y en avoir beaucoup.

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Il aura fallu beaucoup de temps et de palabres pour que ces véritables spéléologues qui s’ignorent comprennent enfin que leurs secrets n’avaient rien à craindre et qu’ils acceptent de collaborer aux recherches.

 

Effectivement, il y en avait à profusion et il est plus que probable qu’il y en a encore davantage à découvrir. Toujours est-il que désormais, le message semble être passé dans les villages. Partout où nous passons, les gens sont fiers de venir nous annoncer qu’ils connaissent des grottes et qu’il y a des dessins… qui ne sont souvent que des graffitis contemporains, des cousins des vulgaires « tags » de chez nous ! Après en avoir vu beaucoup, une conclusion s’impose… Si les hommes préhistoriques avaient un véritable sens artistique et considéraient les grottes comme des lieux de culte, leurs lointains descendants, qu’ils sévissent en ville ou au fond des jungles ne sont que des barbouilleurs sans le moindre talent.

 

De la chapelle Sixtine à un barbouillage pornographique il n’y avait qu’un pas qui a été franchi allègrement... C’est sans doute ce que l’on appelle passer sans vergogne de l’art au « cochon » !

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