Les Canadair basés à Marignane depuis 1963 seraient sur le point de déménager… L’annonce du départ de ces bombardiers d’eau pour la base aéronavale de Nimes-Garons ou pour celle de Salon-de-Provence a de quoi laisser sceptiques même les plus crédules. Au moment ou la restructuration des armées est sur le tapis, cette affaire « sent » l’embrouille à plein nez et la levée de boucliers n’a pas tardé. Les protagonistes affutent leurs arguments et les derniers arbitrages risquent d’être brûlants. Madame Soleil est morte, Elisabeth Teissier avait prévu la victoire de la France à l’euro de football… Les oracles sont loin d’être fiables et il est plus prudent de patienter pour connaître ce que l’avenir réserve à ces gros avions jaunes et rouges qui font quasiment partie du ciel marseillais estival…



Lors des périodes de canicule, il suffit d’une étincelle, d’un mégot de cigarette mal éteinte, lancé par la fenêtre d’une voiture pour que des hectares de garrigue s’embrasent… tout spécialement les jours de mistral, pour la plus grande joie des émules de Néron, le jeune empereur qui aurait mis lui-même le feu à Rome pour profiter du spectacle de la ville en flamme…

 

Plus près de nous, les motivations sont très variables… Vandalisme, promoteurs immobiliers en quête de terrains à bâtir, accidents sur des chantiers, imprudences, pyromanes en tous genres, y compris des pompiers… Toujours est-il que ces grands incendies causent des dégâts irrémédiables et que les interventions des Canadairs volant au ras des toits des immeubles de la périphérie de la ville sont toujours très spectaculaires…

 

Les photos qui illustrent cet article datent du début du mois de juillet 2001. Ce jour là, l’odeur âcre du bois brûlé était perceptible dans toute la ville qui avait été recouverte par des nuages d’une fumée opaque chargée de cendres et de scories qui retombaient en poussière dans les rues de la ville. Sur le terrain, des centaines de pompiers tentaient de protéger les habitations, aidés par une noria de Canadairs qui venaient faire le plein d’eau dans la rade avec la régularité d’un métronome. Assis au bout d’une jetée, j’avas fait une série d’images de ce spectacle étonnant. Treize canadairs plongeaient sur la mer, parfois à trois ou quatre de front et ils écopaient en quelques secondes avant de remettre les gaz et de passer à quelques mètres au-dessus de ma tête…

 

Des curieux étaient venus me rejoindre et j’avais craint un instant qu’il ne s’agisse d’empêcheurs de photographier peinard, voire de flics venus me virer de mon rocher… Mais les importuns n’étaient qu’une famille de belges, cornets de frites et boites de bière dans les mains… Ces espèces de ch’tis améliorés étaient visiblement très impressionnés par le ballet aquatico-aérien de ces drôles d’avions à l’apparence pataude…

 

- « Ce n’est pas dangereux de rester ici ? »

- « Pour le savoir, il faudrait prendre un avion sur le « teston »… ! »

 

Suivi d’une série de questions sur le feu, les Canadairs, la fréquence des incendies et le danger pour les plaisanciers… Mes réponses sont analysées, disséquées, comme si j’étais le « pape des Canadairs ». Leur accent inimitable qui traduit leur origine m’amuse mais le questionnaire « façon DST » commence à me gonfler…

 

 

« Il est arrivé qu’un avion sectionne le mat d’un voilier, mais le plus étonnant c’est qu’un jour, les pompiers ont retrouvé en pleine garrigue le cadavre d’un plongeur sous-marin en combinaison néoprène, portant encore ses palmes… Après enquête, il s’est avéré qu’il avait été « aspiré » par un Canadair  et largué quelques minutes plus tard sur un incendie… ! » Ce n’est qu’une galéjade marseillaise que les belges s’empressent pourtant de prendre au premier degré…

 

- « Quelle horreur ! Quelle mort atroce… ! »

 

Je suis sidéré de voir qu’un truc aussi absurde « passe » comme une lettre à la poste… « Aspirer » un plongeur dans la citerne d’un Canadair est totalement impossible et ces « braves » Belges sont décidément bien crédules… Alors je décide d’en rajouter, histoire de voir quelle sardine ils sont capables de gober…

 

- « Je crois qu’il s’agissait d’ailleurs d’un Belge… »

 

Tollé général…  « Je ne crois pas qu’il s’agissait d’un Belge, une fois… » Ce n’est pas la véracité de l’anecdote qui est remise en question mais la belgitude du macchabée… !  « Nous n’avons rien entendu de tel à Bruxelles… Etes vous vraiment sur que c’était un Belge ? Un Flamand ou un Hollandais peut-être ? »… Ce serait un bien curieux vol pour un « flying Dutchman »… !

Je pensais que ces rougeauds ventripotents transpirant la bière à grosses gouttes auraient compris qu’ils commençaient à me les « briser menu » mais il n’en est rien… Il est temps d’en rajouter encore… Alors, je leur raconte qu’un largage inopportun sur le toit d’une voiture transforme la « boite à roues » en un tas de ferraille dont les occupants ont bien peu de chances de sortir vivants…Et je rajoute que les plaques d’immatriculations étrangères sont statistiquement plus souvent prises pour cibles que les autres ! Je ne sais pas si ce sont les effets de l’alcool et de la chaleur ou si c’est la nature profonde des Belges, mais je crois que ce jour-là, les plus invraisemblables de  mes « vannes » ne feraient  l’objet du moindre soupçon…

 

Le spectacle a l’air de vouloir durer et je décide d’aller voir ailleurs si j’y suis et pourquoi pas de tenter de me rapprocher de l’incendie qui a l’air de prendre de l’ampleur… Immanquablement, les routes sont barrées par la police mais en connaissant bien les lieux je me débrouille à contourner les obstacles en moto tout-terrain… Parvenu sur une crête qui domine un vallon, j’ai une toute autre vision de la ville, mais il n’est vraiment pas prudent de rester là. J’ai été repéré et les « képis » qui manquent cruellement d’humour ne devraient plus  tarder à venir me tirer l’oreille. Ce genre de cache-cache avec les autorités est très courant chez les photographes et ce jour-là, un de mes amis avait lui aussi tenté de trouver un point de vue au plus près de la zone sinistrée. C’est ainsi qu’il avait escaladé le mur d’enceinte d’une villa avant de se retrouver nez à nez avec un célèbre « avocat cathodique » marseillais passé depuis au numérique. Après avoir montré patte blanche et carte de presse, le photographe avait pu continuer à travailler, le défenseur de la veuve, de l’orphelin et de toutes les causes médiatiques se montrant particulièrement sympa…

 

En écrivant ces lignes, je me rends compte qu’en raison d’un printemps anormalement pluvieux, je n’ai pas encore vu de Canadair passer au-dessus de ma tête cette année…

 

Pourvu que cela dure… !

 

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